4 étapes pour identifier le chemin réglementaire de votre dispositif médical

Rédigé par
Caroline

Le paysage réglementaire pour les dispositifs médicaux est complexe. Dès le début du processus de développement, il est nécessaire de réussir à définir la stratégie à suivre du point de vue de la réglementation pour éviter les mauvaises surprises au moment de la mise sur le marché.

Pour vous aider à identifier le chemin réglementaire adapté à votre dispositif médical, Caroline Lau, coordinatrice en assurance qualité et experte en exigences réglementaires, vous guide en quatre étapes.

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Votre produit est-il un dispositif médical?

Avant d’aller plus loin, la première étape est de déterminer si oui ou non votre produit est un dispositif médical.

Déterminer l’utilisation prévue et les indications d’utilisation du produit

Pour cela, il faut s’intéresser de plus près à son utilisation prévue (intended use) et à ses indications d’utilisation (indications for use). L’utilisation prévue est l’objectif général de l’appareil ou sa fonction, alors que les indications d’utilisation se réfèrent à la maladie ou à la condition clinique que l’appareil permet de diagnostiquer, de traiter, de prévenir, de guérir ou d’atténuer, ainsi qu’à la population de patients à laquelle il est destiné.

Se référer à la définition donnée par les lois en vigueur

Une fois que l’utilisation prévue ainsi que les indications d’utilisation sont identifiées, il est possible de vérifier s’il s’agit d’un dispositif médical selon les lois en vigueur.

Santé Canada définit le terme à la fois dans le Règlement sur les instruments médicaux DORS 98/292 et dans la Loi sur les aliments et les drogues. Sa définition peut être résumée ainsi: «Un instrument médical est tout instrument ou composante utilisé pour le traitement, le diagnostic ou la prévention d’une maladie ou d’un état physique anormal». Il est également précisé que les instruments médicaux n’incluent pas les instruments utilisés à des fins vétérinaires, ni les instruments utilisant seulement des moyens pharmacologiques.

Aux États-Unis, la définition est sensiblement la même, à l’exception qu’elle inclut les instruments dédiés aux soins des animaux.

Étude de cas

Pour mieux comprendre, prenons l’exemple d’un produit innovant en cours de développement: un dispositif de surveillance de la température et la pression intracrânienne.
Utilisation prévue (intended use) Le dispositif fournit des informations (la température et la pression intracrânienne) aux cliniciens agréés pour aider au diagnostic de la maladie Pathocrâne (fictive), en ajout au dossier des antécédents du patient, à ses signes vitaux et à ses informations cliniques, afin que le clinicien puisse les prendre en compte en fonction de son propre jugement clinique. Le dispositif ne fournit pas de diagnostic, ni de recommandations de traitement.

Indications d’utilisation (indications for use)
Sur une population adulte atteinte de la maladie Pathocrâne.
Par un clinicien agréé.
En centre hospitalier seulement.

Pour déterminer s’il s’agit bien d’un dispositif médical, voici les questions à se poser:

– Est-ce que le produit sert au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal ou de leurs symptômes?
La réponse est OUI.

– Est-ce que le produit utilise uniquement des moyens pharmacologiques ou des moyens chimiques?
La réponse est NON.

– Est-ce que le produit est utilisé sur un animal?
La réponse est NON.

Conclusion: le produit est bien un dispositif médical.

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Identifier la classe de votre dispositif médical

Une fois que vous êtes certain que votre produit est un dispositif médical, il est temps d’identifier la classe à laquelle il appartient. C’est elle qui va déterminer le chemin réglementaire à suivre pour accéder au marché visé.

La classification est basée sur le risque que représente l’utilisation du dispositif médical. Plus le risque est élevé, plus la classe est élevée. À noter que la classification diffère selon les règles de chaque juridiction. Par exemple, un même produit n’aura pas forcément la même classe aux États-Unis et au Canada.

Au Canada

Au Canada, les règles de classification sont définies dans le Règlement sur les instruments médicaux (DORS/98-282) à l’annexe 1.

Ces règles sont à parcourir et à évaluer afin de déterminer si elles s’appliquent à votre produit. Des lignes directrices avec des exemples précis sont également disponibles pour vous aider à interpréter les règles en vigueur.

Aux États-Unis

Aux États-Unis, le document de référence est le Code of Federal Regulations (CFR) – Title 21.

Pour identifier facilement la classe de votre produit, trois méthodes sont possibles:

– Faire une recherche dans le registre de classification des produits (Product Classification Database).

– Rechercher des produits similaires dans le registre d’enregistrement de dispositifs médicaux et d’établissements (Establishment Registration and Device Listing Database).

– Rechercher des produits similaires dans les registres suivants: Premarket Approval (PMA), Premarket Notification 510(k), De Novo, Humanitarian Device Exemption (HDE).

Étude de cas

Reprenons l’exemple ci-haut, le dispositif de surveillance de la température et la pression intracrânienne, et identifions sa classe.

Au Canada

À la lecture de l’Annexe I du Règlement sur les instruments médicaux (DORS/98-282), vous remarquerez qu’il est nécessaire de bien lire les définitions du règlement:
– Nous éliminons l’applicabilité des règles 1 à 3, car notre instrument est non effractif.
– Les règles 4 à 6 ne s’appliquent pas, car notre instrument n’est pas destiné aux fins identifiées.
– Avec la règle 7, nous serions potentiellement classe I par défaut.
– Notre instrument est actif, car il utilise une source d’énergie (l’infrarouge pour la température), mais il n’émet pas de rayonnement ionisants (règle 8), n’est pas thérapeutique actif (règle 9) et n’est pas destiné à administrer des substance (règle 11).
– Il est un instrument diagnostique actif (règle 10(1)) et une lecture erronée n’est pas susceptible de présenter un danger immédiat (règle 10(2)).
– Les règles particulières (règles 13 à 16) ne s’appliquent pas à notre instrument.

En conclusion, la règle 7 nous indique la classe I et la règle 10(1) nous indique la classe II. La règle donnant la classe la plus élevée doit être retenue. Notre instrument est donc classé classe II, selon la règle 10(1) du règlement.

Aux États-Unis
Une recherche du mot-clé “thermometer” dans le registre de classification des produits donne cinq (5) résultats d’intérêt qui sont de classe 2.
Le résultat le plus similaire à notre dispositif est “Thermometer: Electronic Clinical”, qui est de classe 2.
Nous recherchons aussi le mot-clé “Intracranial pressure”, car c’est la deuxième fonction principale de notre dispositif. On trouve trois (3) résultats, dont deux (2) sont de classe 2, et un (1) de classe 3. Un des résultats indique “intracranial pressure & temperature monitoring kit”, code de produit PSP, classe 2. Notre dispositif sera potentiellement de cette classe.
Pour confirmer que le code de produit est applicable, nous allons devoir démontrer que notre dispositif est substantiellement équivalent à un dispositif déjà sur le marché, et portant ce code de produit.

Étant donné que notre utilisation prévue cible une maladie particulière et que le dispositif présente des données d’une manière différente de la technologie déjà sur le marché, ce code pourrait être refusé. Nous serions alors sans code de produit avec une classe indéterminée.

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Identifier les chemins réglementaires possibles

Maintenant que vous savez à quelle classe appartient votre dispositif médical, il s’agit de choisir le chemin réglementaire le plus approprié.

Au Canada

Pour obtenir les autorisations requises auprès de Santé Canada, deux chemins principaux sont possibles. Selon la classe à laquelle appartient votre produit, vous pouvez demander une licence d’instrument médical (classe II, III et IV) ou une licence d’établissement d’instruments médicaux (classe I).

La première option est plus lourde car elle requiert la soumission d’un dossier pour une revue complète scientifique et réglementaire, alors que la seconde nécessite uniquement de déposer un formulaire avec une déclaration du fabricant affirmant qu’il respecte la réglementation.
Deux autres chemins s’appliquant à des cas particuliers sont également possibles: obtenir une autorisation pour essais expérimentaux (pour les produits de classe II, III ou IV) ou un accès spécial demandé par un spécialiste (pour les produits de classe III ou IV).

Aux États-Unis

Pour soumettre un dossier auprès de la FDA aux États-Unis, trois possibilités s’offrent à vous en fonction de la classe de votre produit:

– Pour un dispositif de classe III, vous pouvez demander une Premarket Approval (PMA). Pour cela, vous devez soumettre un dossier pour une revue complète scientifique et réglementaire.

– Pour un dispositif de classe I, II et III, vous pouvez obtenir une Premarket Notification 510(k) en soumettant un dossier qui démontre l’équivalence substantielle à un dispositif approuvé déjà sur le marché.

– Pour un dispositif de classe I et II, vous pouvez être exemptés de contrôles spéciaux (Exempt from Special Controls) et il n’est alors nécessaire que d’inscrire le dispositif et l’établissement (c’est-à-dire le fabricant) dans le Establishment Registration & Device Listing.

D’autres chemins s’appliquent pour les cas particuliers comme le De Novo pour les produits de classe I et II qui n’ont pas d’équivalence substantielle (c’est à dire qu’ils n’ont pas de code de produit auquel s’identifier), et le Humanitarian Device Exemption (HDE) pour les produits de classe III destinés à des maladies ou à des affections rares.

Étude de cas

Reprenons l’exemple ci-haut, le dispositif de surveillance de la température et la pression intracrânienne, et identifions les chemins réglementaires applicables.

Au Canada

Nous soumettrons une demande d’homologation d’instrument médical au ministère en suivant les lignes directrices applicables.

Préalablement, nous aurions obtenu la certification MDSAP/ISO 13485:2016 de notre système de gestion de la qualité et assurer une documentation adéquate du dispositif médical démontrant son efficacité et sa sûreté.
Aux États-Unis

Si nous pouvions identifier le dispositif comme un classe 2 aux États-Unis avec le code de produit PSP, le chemin réglementaire sera probablement le 510(k).

Dans ce chemin, il est nécessaire d’établir un équivalence substantielle avec des dispositifs déjà sur le marché. Il sera important de faire nos devoirs avant de soumettre un dossier en ce sens.

Dans le cas où la FDA nous attribuerait une classe indéterminée, c’est le chemin De Novo qui sera le plus probable.

Quoi qu’il en soit, un dialogue doit être établi avec les autorités afin d’établir une relation gagnant-gagnant pour l’avancement du dossier. La FDA confirmera le chemin applicable.
Ses décisions sont basées sur le risque, d’où l’importance d’une bonne gestion de risque selon ISO 14971:2019 durant le cycle de vie du dispositif médical.
“Établir une stratégie réglementaire dès le début de la conception et du développement du dispositif médical est crucial.”

Caroline Lau
Coordinatrice en Assurance Qualité chez CLEIO

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Identifier la documentation requise

Jusqu’à maintenant, il a été question des lois et des réglementations que tout fabricant doit respecter pour mettre un dispositif médical sur le marché. À celles-ci s’ajoutent des normes qui doivent être intégrées durant la conception et le développement, ou durant la fabrication. Ces normes permettent de démontrer la sécurité et l’efficacité du dispositif médical pour son utilisation prévue et pour les indications d’utilisations prévues.

On retrouve les normes qui s’intègrent aux processus du système de gestion de la qualité, telles que ISO 13485 pour le système lui-même, ISO 14971 pour le processus de gestion des risques, IEC 62304 pour le développement logiciel et IEC 62366-1 pour le processus d’utilisabilité. Il y a aussi les normes techniques qui servent à maîtriser des risques techniques liés aux caractéristiques du dispositif, telles que la IEC 60601-1 pour les appareils électromédicaux.
Aide-mémoire

L'aide-mémoire ultime pour les normes relatives aux dispositifs médicaux

Connaître les principales normes et réglementations pour le développement de dispositifs médicaux peut s’avérer difficile. C’est pourquoi nous avons créé cet aide-mémoire indispensable.

L’application de normes reconnues n’est pas obligatoire, elle est volontaire. Cependant, adhérer à ces méthodes reconnues mondialement facilite l’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché des dispositifs médicaux. Pour cela, il suffit de se référer aux listes des normes reconnues dans les guides et bases de données mis à disposition par chaque juridiction.

Étude de cas

Reprenons l’exemple ci-haut, le dispositif de surveillance de la température et la pression intracrânienne. Une bonne connaissance des requis et des spécifications du dispositif, avec une analyse approfondie permettent d’identifier toutes les normes applicables.

Voici une première liste de normes applicables à ce dispositif:

  • AAMI NS28 Intracranial pressure monitoring devices
  • ASTM E1104-98 Standard Specification for Clinical Thermometer Probe Covers and Sheaths
  • ASTM E1965-98 Standard Specification for Infrared Thermometers for Intermittent Determination of Patient Temperature
  • ASTM E1112-00 Standard Specification for Electronic Thermometer for Intermittent Determination of Patient Temperature
  • IEC 60601-1 Medical electrical equipment – Part 1: General requirements for basic safety and essential performance
  • IEC 60601-1-6 Medical electrical equipment – Part 1-6: General requirements for basic safety and essential performance – Collateral standard: Usability
  • IEC 60601-1-8 Medical electrical equipment – Part 1-8: General requirements for basic safety and essential performance – Collateral Standard: General requirements, tests and guidance for alarm systems in medical electrical equipment and medical electrical systems
  • IEC 60601-2-49 Medical electrical equipment – Part 2-49: Particular requirements for the basic safety and essential performance of multifunction patient monitoring equipment
  • IEC 80601-2-59 Medical electrical equipment – Part 2-59: Particular requirements for the basic safety and essential performance of screening thermographs for human febrile temperature screening
  • ISO 10993-1 Biological evaluation of medical devices Part 1: Evaluation and testing within a risk management process
  • ISO IEEE 11073-10408 Health informatics – Point-of-care medical device communication – Part 10408: Device specialization – Thermometer
  • ISO 80369-6 Small bore connectors for liquids and gases in healthcare applications – Part 6: Connectors for neuraxial applications
  • ISO 80601-2-56 Medical electrical equipment – Part 2-56: Particular requirements for basic safety and essential performance of clinical thermometers for body temperature measurement

Pour résumer, afin de bien préparer l’arrivée de votre produit sur le marché, plusieurs paramètres sont à prendre en considération d’un point de vue réglementaire: son utilisation prévue et les indications d’utilisation, sa classification, les chemins réglementaires possibles, ainsi que les activités et la documentation requises.

Une bonne connaissance des règles du jeu est essentielle pour faire une demande d’homologation réussie de votre dispositif médical.

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